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    [ texts ]

     

    ENGLISH VERSION BELOW

     

    Le film “Poems from which we learned” est un événement sensoriel.

    Aaoût, 2021

     

    Le montage vertigineux, qui va avec la juxtaposition d’images de toutes provenances (des citations sur écran, des lumières se promenant, des collages d’enfants, des tableaux du début du XXème etc.) apportent aux spectateurs de quoi penser – grâce à un tel déplacement opéré par le film.

    Cela dit, on a remarqué l’éloge de l’ « abstraction ». Pourtant, il faut bien en cerner le sens. Il ne saurait s’agir de la fameuse séparation entre le sensible et l’intelligible, mais, avant tout, de l’ouverture propre au sensible – quoique ce « propre » se prête, fondamentalement, à toute impropriété… Au-delà d’une simple identification positive, à savoir, réduire l’abstraction aux mathématiques, il y est question de toujours produire des visibilités. Par exemple, que l’on se souvienne du passage dans lequel un violoncelliste interrompt sa mélodie pour ne la reprendre que sous le régime de la dissonance ; cela est suivi par une toute petite lumière rouge, sous fond noir – tout comme la « caméra stylo » d’autrefois. Ensuite, on voit des gamins de quatre ans avec leurs bricolages surréalistes avant la lettre. Dans un autre moment, le narrateur se pose la question de savoir comment faire bouger à partir d’un arrêt, à propos de la grève. L’image d’après est un tableau de Léger, dont les couleurs dépassent les limites des objets et des corps.

    Or, dans une telle « traduction », pour ainsi dire, il a toujours été question de production, voilà la grande réussite du film du collectif « PhD in one night ».

    Dans ce sens, l’œuvre en question ne saurait se limiter à une biographie autour de Jacques Rancière ou, encore, sur sa pensée, mais sur les créations possibles issues d’un sensorium commun. C’est pourquoi une autre question posée par le film en ce qui concerne le « vide » et ses usages, pourrait bien être répondue en termes de subjectivation. Alors là on risque de rapprocher en quelque sorte les pensées de Jacques Rancière et d’Alain Badiou, ce qui n’est pas évident. Si Rancière parle d’un faisceau de temporalités qui surgit dans le présent, Badiou s’interroge sur la compossibilité de mondes. Tant chez l’un que l’autre ou voit le pari sur le commun.


    Gustavo Chataignier est docteur en philosophie à l’université Paris 8, où il est aussi chercheur associé. Enseignant-chercheur du département de communication social de la PUC-Rio de Janeiro dans le domaine de l’esthétique, il a été chercheur invité à l’Université de Valparaíso (Chili), en 2016, lorsque cette institution a attribué le titre de doctor honoris causa à Jacques Rancière ; en 2020, il a reçu la Chaire des Amériques, de l’université Rennes 2 et de l’Institut des Amériques, pour un séjour de recherche. Sa traduction de « Malaise dans l’esthétique », de Rancière (faite avec Pedro Hussak), sera bientôt parue en portugais.





    [English version]
    The film “Poems from which we learn” is a sensorial event.

    Aaoût, 2021

    The dizzying montage, which goes with the juxtaposition of images from all origines (quotes on screen, walking lights, children's collages, paintings from the beginning of the 20th century, etc.) give viewers material to think about - thanks to such a displacement operated by the film.

    That said, one could notice a praise for "abstraction." However, it is necessary to define its meaning. It could not be a question of the famous separation between the sensible and the intelligible, but above all the openness proper to the sensible - although this "proper" opens itself, fundamentally, to any impropriety ... Beyond a simple positive identification, namely, reducing abstraction to mathematics, it is a question of always producing visibilities. For example, we could remember the passage in which a cellist interrupts his melody and continues it under the regime of dissonance; followed by a tiny red light on the black background - just like the "pen camera" from past times. Then we see four-year-old kids with their surrealist crafts in the process of realization. In another moment, the narrator asks himself the question of how to move from a standstill, from the strike. The next image is a painting by Léger, whose colors transcend the limits of objects and bodies. However, in such a "translation", so to speak, it has always been a question of production, this is the great success of the collective film "PhD in one night".

    In this sense, the work in question cannot be limited to a biography around Jacques Rancière or, even, on his thought, but on the possible creations resulting from a common sensorium. This is why another question posed by the film, regarding the "void" and its uses, could well be answered in terms of subjectivation. So here we risk somehow bringing together the thoughts of Jacques Rancière and Alain Badiou, which is not obvious. If Rancière speaks of a bundle of temporality that emerges in the present, Badiou questions the compossibility of worlds. Both, at one as at the other, we see the bet on the common.


    Gustavo Chataignier holds a doctorate in philosophy at the University of Paris 8, where he is also an associate researcher. Teacher-researcher of the department of social communication of the PUC-Rio de Janeiro in the field of aesthetics, he was a visiting researcher at the University of Valparaíso (Chile), in 2016, when this institution awarded the title of doctor honoris causa to Jacques Rancière; in 2020, he received the Chair of the Americas from Rennes 2 University and the Institute of the Americas, for a research stay. His translation of "Malaise dans l'esthétique" by Rancière (with Pedro Hussak) will soon be published in Portuguese.